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Mon Histoire: L’expérience d’un fier Québécois asiatique Voices 

Mon Histoire: L’expérience d’un fier Québécois asiatique

Je n’ai jamais été quelqu’un qui se prononce sur le sujet de ma propre identité, souvent parce que j’ai peur des autres qui vont me dénigrer sur ce que je ressens personnellement sur un enjeu qui me concerne personnellement. Malheureusement, certains événements qui se sont produits durant ces derniers jours m’ont forcé à sortir de mon silence et de me prononcer sur plusieurs enjeux reliés à ma nationalité.

Mes origines et mon parcours

Je suis né le 30 septembre 2002 dans un hôpital à Jinan, dans la province de Shandong, en Chine. Notre famille est arrivée au Canada le 24 juin 2007. Eh oui, nous sommes arrivées en plein milieu des festivités de la Fête Nationale du Québec. À ce jour, j’ignore pourquoi mes parents ont choisi Montréal comme leur nouvelle maison, mais je suis content qu’ils se soient installés ici, au lieu de Toronto ou Vancouver. Venir au Québec m’a ouvert les yeux à plusieurs beaux aspects de la société québécoise, plus notamment la diversité. J’habitais, et j’habite encore, à Saint-Laurent, dans un arrondissement où les gens venaient des quatre coins du monde. L’école primaire que j’ai fréquentée était preuve de cette diversité. Je m’en souviendrai toujours des copains de classes qui venaient de l’Afrique, du Moyen-Orient, de l’Europe de l’Est, du sous-continent indien, l’Asie du Sud, de l’Amérique latine, etc. Peu importe notre endroit d’origine, on était tous et toutes dans le même bateau. On était tous amis les uns avec lesuns et lesautres. Avance rapide vers le secondaire, même si la plupart de mon parcours était dans une école privée, je trouvais ce même genre de diversité ethnique, culturelle et même linguistique que j’ai vécu à mon école primaire publique. Avoir eu le pied dans les deux mondes scolaires, je ne me suis jamais senti en paria. Je me suis toujours senti comme membre de la société québécoise, peu importe mon pays d’origine ou mon ethnicité. Si je me permets de le dire, j’ai réussi à développer une vision daltonienne à mon entourage. Par contre, je dois admettre que ça n’a pas été facile de m’identifier comme un fier Québécois (plus de détails après).

Être un Chinois au Québec

Contrairement à ce que plusieurs pensent, en tant que Québécois d’origine chinoise, je n’ai jamais été victime de racisme ou discrimination au Québec (si vous ne comptez pas le X nombre de fois qu’on m’a servi en anglais par des employés francophones, alors que je parle français couramment). Bien sûr, on m’a toujours demandé des questions coquines par certains camarades de classe, comme es-tu bon en math, as-tu un dépanneur chez vous, c’est-t-il vrai que vous mangez des chiens chez vous? Bien qu’un peut dire que c’est des questions très préjugées, je n’ai jamais été offusqué par ces questions. En fait, ce sont des questions rigolotes que j’embrasse de tout mon cœur. Tous les stéréotypes qu’on associe à des gens comme moi m’ont aidé à bâtir ma personnalité comique que les gens connaissent et adorent.

Quand je suis allé dans le camp de vacances au Zoo de Saint-Félicien, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, il y a plus de sept ans, je me souviendrai toujours de la réaction que les habitants de la région ont eue lorsqu’ils m’ont rencontré. Pour plusieurs d’entre eux, j’ai été le premier Chinois qu’ils y ont vu de leur vie. C’était un titre qui me rendait chaud au cœur. Durant mon séjour, mes paires me posaient plusieurs questions sur la Chine, comme la langue, la bouffe, la vie là-bas, même si j’étais un résident de Montréal pour presque toute ma vie. À la fin du camp de vacances, ils ont carrément oublié que j’étais un Chinois et ils m’ont considéré comme si j’étais l’un d’entre eux. L’expérience que j’ai vécue au Saguenay—Lac-Saint-Jean m’a exposé formellement à l’accueil chaleureux des gens du Québec.

Montée de la haine anti-asiatique

Quand on avait appris qu’un certain virus contagieux et mortel avait été détecté dans la ville chinoise de Wuhan, personne n’allait penser que ça allait se répandre sur l’ensemble du globe. Malheureusement, en plus de confinement, mesures sanitaires, et victimes qui ont succombé au virus, le monde entier témoigne une montée de la haine envers les gens d’origine asiatique. Malheureusement, ce n’était pas, pour moi, quelque chose d’imprévu. On peut voir qu’en période de crise, les gens commencent à perdre leur sens commun et cherche un groupe de gens à blâmer pour les problèmes du monde. Je pense notamment aux harcèlements que la communauté musulmane subit toujours après les attentats du 11 septembre. En d’autres mots, je prévoyais déjà du harcèlement à caractère raciste envers la communauté asiatique durant cette période de crise sanitaire. Malheureusement, j’ai peur que ça va rester après que la pandémie soit terminée.

En tant que Québécois d’origine chinoise, c’est sûr que savoir qu’il y a de nombreuses instances de gens qui se font harcelés, agressés et même fusillés juste à cause qu’ils sont d’origine asiatiques me préoccupent énormément. C’est tellement répugnant de savoir qu’il reste encore des gens qui jugent d’autres par la couleur de leur peau. Comment pouvons-nous dormir quand qu’on peut être la prochaine victime d’un attentat raciste? J’ai toujours dit que je ne ferai jamais de mon ethnicité un problème de ma vie. C’est une position que j’affirme toujours, bien que je dénonce toute haine envers les Québécois d’origine asiatiques. Ne pas dénoncer ces actes racistes c’est de faire preuve d’absence d’un cœur. Par contre, ce n’est pas ces incidents qui me dissuade de réfléchir sur ce que j’en pense du Québec. Pour moi, le Québec, ce n’est pas une province, ni une nation qui est raciste. Ce ne sera pas des gangs de mal élevés racistes qui vont me dire autrement. Le Québec que je connais est une nation très accueillante, ouverte, diverse et chaleureuse. Une nation dont je suis très fier d’en faire partie.

Mon expérience avec le « Québec-bashing »

Bien sûr que le Québec est rempli de problèmes sociaux qui nous empêchent d’avancer. Je pense notamment aux traitements horribles que Joyce Echaquan, Jocelyn Ottawa et Mireille Ndjomouo ont subi durant leurs séjours aux soins de santé. Mesdames Echaquan et Ndjomouo sont même décédés par conséquent de leurs traitements. Même s’il y a deux versions à chacun de ces histoires, ce sont quand même des problèmes qu’il prouve l’existence du racisme systémique au Québec. C’est pas mal étonnant de voir des gens qui confond le racisme systémique avec le racisme culturel, autant du bord du gouvernement qu’à l’extérieur du Québec.

Comme je le disais, le Québec que je connais est une nation très accueillante et chaleureuse. Alors, vous comprendrez pourquoi je suis très écœuré lorsqu’un certain professeur de droit et de médecine à l’Université d’Ottawa, dont je ne mentionnerai pas son nom, compare ma nation à « l’Alabama du Nord ». Bien qu’il ait le droit de s’exprimer comme il veut, je ne peux cacher le dégoût que je ressens face à ses propos qui me blessent personnellement. Ses commentaires me montrent que moi, un fier Québécois francophone et asiatique, ne suis pas la bienvenue au Canada. Ce sont des pensées qui me tiennent éveillé en pleine nuit. Ce qui me trouble le plus dans cette affaire est le fait que ce professeur justifie son « Québec-bashing » par son ethnicité iranienne. En tant que moi-même une minorité visible, il n’y a pas d’explication de plus giflant que ça. J’ai peur qu’il soit en train de mettre de l’huile au feu, surtout durant un moment où les gens de la communauté asiatiques en ont assez vécu de racisme. C’est vrai qu’on a des expériences différentes et je suis tout à fait sensible aux expériences qu’il a subies. Par contre, mettre toute la faute sur le dos des Québécois francophones franchit une ligne pour moi. Si les commentaires de ce professeur sont partagés par l’ensemble de la population canadienne, je ne sais pas si je peux me considérer encore comme un fier Canadien.

C’est sûr que le gouvernement du Québec-même est parti à cause de certains commentaires. Surtout quand le gouvernement Legault refuse de reconnaître l’existence du racisme systémique, un phénomène qui n’existe pas seulement aux États-Unis. Pourtant, le racisme systémique existe sur l’ensemble du territoire canadien. Alors, se concentrer sur juste une seule province (la seule province officiellement francophone du pays) n’aide pas à régler le problème. Critiquer le Québec, c’est important à notre vie démocratique. Je le fais régulièrement. C’est notre critique qui pousse le Québec d’avancer et à s’améliorer pour le mieux. Par contre, s’asseoir devant un écran et envoyer des cochonneries sur les réseaux sociaux ne nous mènera nulle part.

Malheureusement, ce n’est pas seulement les propos d’un professeur de l’Université d’Ottawa qui me blessent. À chaque fois que les gens sur Internet me demandent d’où je viens, je me retrouve toujours à répondre avec le Canada. À chaque fois que je m’identifie en tant que Québécois, tout ce que je reçois c’est la moquerie, des préjugés et la discrimination par des internautes anglophones. Pour paraphraser Jean-Marc Fournier, être Québécois, c’est ma façon d’être un Canadien. Pourquoi ne puis-je pas m’identifier avec la nation dont je me sens le plus proche? Pourquoi ne puis-je pas recevoir la même dignité que quelqu’un d’une autre nationalité?

C’est quoi être un Québécois?

Comme je l’ai dit, le chemin que j’ai parcouru pour m’identifier en tant que fier Québécois n’a pas été un chemin facile. C’est sûr lorsqu’on vient d’une famille immigrante et non-francophone, c’est dur de se voir comme ceux et celles qui sont francophones et nés ici. Selon moi, le pilier le plus important du Québec, c’est la langue française. C’est ça qui rend notre province unique. Maîtriser le français a toujours été un défi pour moi. Maman et Papa ne parlent toujours pas le français couramment. Échouer à des examens de français était une récurrence fréquente au secondaire. Je suis pas mal sûr que cet article est bourré de fautes de français. C’est pourquoi je me suis plus incliné vers l’anglais, à travers mon parcours scolaire. C’était une langue que j’avais plus de facilité avec. C’est pourquoi je suis aujourd’hui à Vanier, même s’il y a d’autres raisons qu’il explique pourquoi j’ai choisi ce cégep. Tout ça c’est pour dire que le fait de ne pas maîtriser le français adéquatement me rendait partiellement aliéné de la société québécoise. Ça m’arrivait souvent de me poser certaines questions, dont je suis sûr que la plupart d’entre vous aviez aussi demandé. Pourquoi devrions-nous parler en français? Pourquoi le Québec doit être à part entière du Canada? Pourquoi le reste du Canada est anglophone? Quel est le mal que le Québec devient une province comme les autres? J’étais fier d’habiter au Québec, mais je pensais que c’était totalement inapproprié pour moi de m’identifier comme Québécois.

Ceux qui me connaissent savent que je suis un grand voyageur à l’intérieur du Canada. Je suis pratiquement aller d’un océan à l’autre. C’est durant ces voyages à l’intérieur du pays qui m’ont aidé à construire ma propre nationalité. À chaque fois que je mets mon pied à l’extérieur du Québec, je me sens comme si j’étais dans un autre pays. On peut vraiment sentir la différence culturelle entre le Québec et le reste du Canada. Avoir été tant de fois dans les autres provinces canadiennes, pour moi, c’est inconcevable de penser que le Québec n’est pas une nation au sein du Canada. Je m’en souviendrai toujours de mon fabuleux voyage d’école à Whistler. On était une quinzaine d’élèves et d’accompagnateurs qui parlaient français en plein milieu d’une villégiature au plein cœur de l’Ouest canadien. Le fait qu’on parlait une langue que la plupart des gens autour de nous ne comprenait pas, m’a changé pour la vie. C’est ce voyage qu’il m’a ouvert les yeux a qu’est-ce que c’était d’être un Québécois.

Pour moi, être Québécois, ça ne se définit pas si vous êtes un fédéraliste ou un souverainiste. Moi-même, je ne suis pas souverainiste (du moins pas encore). Même si je réitère que le français c’est le pilier le plus important du Québec, ça n’a pas d’importance si vous êtes un francophone ou un anglophone ou un allophone. Que vous maîtrisez le français ou non, ça n’a pas d’importance. Être un Québécois, ça ne veut pas dire que ton nom est Tremblay, Gagnon ou Roy. Pour paraphraser Gilles Duceppe, n’importe qu’ils se sentent fiers d’habiter au Québec et de l’améliorer pour le mieux peuvent s’identifier comme Québécois. C’est sûr qu’on ne choisit pas notre pays d’origine ou notre ethnicité. Je n’ai pas choisi d’être nés à Jinan ou d’avoir la peau jaune. Par contre, ce qu’on peut choisir, c’est pour quelle nation nous décidons de s’appartenir. Je suis très fier d’être un asiatique. Je suis très fier de mes racines chinoises. Je suis très fier d’être un Québécois en plus de ça.

Pour clore ce sujet, pour aimer la Belle Province, vous devriez la connaître. Connaître ses forces et ses faiblesses, sa beauté et sa laideur. Ce n’est que lorsque vous connaissez les deux côtés que vous pouvez vous identifier comme un fier Québécois.

By Jacques Wang

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